Mes chers amis, je vous écris depuis le vol Air France qui me ramène de San Francisco à Paris. Dans quelques heures s’officialisera la fin de mon road trip d’un mois, qui m’a conduit de la Thaïlande à la Californie en passant par le Cambodge. Retour sur ces deux dernières semaines de vacances.
Vous vous souvenez de Kevin ? Mon filleul du CELSA et occasionnellement ce que l’on appelle « un bon pote »… Je vous avais déjà conté nos péripéties à Montréal, Ottawa et New York lorsque j’effectuais mon séjour d’études au Canada. Maintenant que Kevin habite à San Francisco, je devais absolument aller le voir ! Le voyage en avion ne fut pas trop fastidieux en comparaison du vol retour de Thailande. Je suis même resté contemplatif lors de la traversée des iles proches de l’Islande, du désert blanc du Grand Nord Canadien puis des terres arides à l’approche de la Californie.
Une fois à San Francisco, tout à commencé au Zeitgeist, un bar rock situé sur Mission Street, dans le sud de la ville. A peine descendu de l’avion, me voici en train de déguster un burger au soleil, entouré d’étudiants américains venus profiter du samedi après midi ensoleillé sur San Francisco. « Check my brain » d’Alice in Chains résonne dans le bar et nous décidons de mettre un quarter dans le jukebox pour entre « Secret Plans » d’Eagles of Death Metal. Oui, je suis en Californie. Juste le temps de faire connaissance avec quelques jeunes de Los Angeles que nous voici déjà reparti pour faire la tournée des lieux cools du quartier. On passe devant les œuvres street art de Clarion St, on flâne sur Mission St bondé de mexicains usant de leur langue natale, on s’en va dans Downtown pour assister à une parade célébrant le nouvel an Chinois puis on termine la soirée au Revolution Café en compagnie d’ELLLLLIIIEE, la colocataire italienne de Kevin. Une première journée déjà bien active mais qui n’est rien en comparaison de la suite du voyage…
Dimanche, nous partons tous trois faire une longue marche dans San Francisco traversant Mission, Castro et Haight Ashbury. Il fait encore grand soleil et nous décidons de faire la tournée des parcs : Alamo Square, Mission Dolores, Buena Vista Park, Randall Museum, etc. Après avoir fait quelques emplettes coûteuses chez le meilleur disquaire de San Francisco (Amoeba Music), nous nous dirigeons chez Nick, un ami de Kevin et musicien talentueux, pour un repas « à la française ». Les discussions mélangent allègrement anglais et français en relatant les expériences d’Outre Atlantique de tous les convives, majoritairement étudiants. Je rencontre Pauline, une jeune avocate en séjour à San Francisco, et nous prenons rendez-vous pour partir deux jours plus tard au Yosemite Park. Cette rencontre est aussi inattendue qu’inespérée puisque je ne pensais pas pouvoir me rendre seul jusque dans cette réserve naturelle.
Les jours suivants, je passe mon temps à parcourir la ville, allant au Golden Gate Park, au musée d’histoire naturelle, à Fisherman’s Wharf ou encore à North Beach. Je marche beaucoup la journée en multipliant les arrêts aux points de vue sur la ville. Je trace mon parcours en fonction des attraits touristiques et je passe beaucoup de temps à visiter les lieux célèbres de la Beat Generation. Je distingue Alcatraz depuis la Coït Tower. San Francisco me rappelle alors Montréal, une ville à taille humaine avec un temps plus clément. Mercredi, je retrouve Pauline à 5h du matin pour partir à Yosemite Park. Ce voyage sera probablement l’un de mes plus longs roadtrip : 16h de voiture dans la journée. Cependant, l’effort n’est pas démérité car les paysages traversés sont magnifiques. A l’approche du parc, nous traversons successivement les champs de cerisiers en fleur, des pâturages verts qui s’étendent sur une centaine de kilomètres puis nous dépassons les 5000pieds de hauteur pour atteindre la neige. Nous sommes prévenus, aujourd’hui les rangers attendent une tempête de neige. C’est à peine croyable, alors que nous avions quitté San Francisco sous un temps presque estival, à l’entrée du parc, il y a plus d’un mètre de neige. Cela me rappelle les paysages canadiens…
Nostalgie, quand tu nous tiens. Cela ne nous arrêtera pas pour autant. Nous allons parcourir une bonne partie du parc en voiture, en nous arrêtant parfois pour faire de courtes marches. Les falaises refuges des free climbers et les cascades sont impressionnantes ; tout comme la faune et la flore. Une biche traversera face à nous, les écureuils sont omniprésents et les arbres sont immenses. On s’en prend plein les yeux et les amateurs de nature sauvage seraient ravis de passer quelques semaines à randonner dans le parc. Dommage pour nous, la route menant aux séquoias géants (dont la taille du tronc équivaut à une route 2 voies !) est fermée à cause des chutes de neige. La route du retour est longue mais je me laisse bercer par les mélodies de Mark Lanegan accompagné de la voix sirupeuse d’Isobel Campbell. Comme je ne suis pas assez fatigué de mes 16h de route, je fonce à l’Indépendant retrouver Kevin pour un concert (Deertick).
Le lendemain, le réveil est difficile mais je me rends en vitesse à Sausalito voir les « boathouses », sortes de maisons flottantes en bois dans le plus pur style américain. J’enchaine avec une visite du parc de Muir Woods, où se trouvent une réserve de séquoias maritimes. Ils ne sont pas aussi grands que ceux de Yosemite Park mais la marche dans le parc vaut le détour. Les arbres sont si grands que je ne vois pas le ciel. Je rentre à San Francisco pour rejoindre Kevin à l’aéroport. Ce soir, nous serons à Los Angeles. Le roadtrip ne fait que commencer.
Voici la meilleure partie du voyage. Je pourrais écrire un roman sur ce roadtrip qui nous a conduit de Los Angeles à Las Vegas, en traversant successivement 4 déserts. Je vais vous faire la version courte. Nous arrivons tard à Los Angeles et nous enchainons les galères puisque nous n’avions pas bien estimé le prix des taxes de location de voiture. L’addition est salée mais elle en vaut la chandelle. Cependant, nous restons impressionnés par l’immensité de la ville, ou plutôt devrais-je dire ce conglomérat de villes. Nous dormons le soir dans une auberge de jeunesse de Venice Beach en compagnie d’une japonaise venue travailler à Los Angeles. Venice Beach est le quartier de tous les excès, où les hommes s’exhibent farouchement sur la promenade qui longe la mer. Un clochard tient une pancarte « help a punk get drunk », plus loin, un skater fou se livre à une prestation théâtrale sous acide, les bus hippies foisonnent et on peut facilement imaginer les délires naissants. La journée à Los Angeles est courte, nous concentrerons donc nos visites autour d’Hollywood en longeant le boulevard du même nom à la recherche des étoiles de nos stars : Chuck Norris, Alice Cooper ou l’indispensable Sidney Poitier… Après un arrêt court devant les panneaux Hollywood sur la colline, nous rejoignons Palm Springs.
Nous passerons la nuit à Palm Springs chez un couchsurfer vraiment très sympathique. Fred est masseur et vit dans une superbe villa protégée, sur les terres indiennes. Il nous fait découvrir Palm Springs de nuit, cette oasis en plein désert qui regorge de vie. Les clubs de la ville touristique où foisonnent hôtels de luxe et spas semblent bondés et nous regrettons de ne pas pouvoir aller danser alors que la fatigue l’emporte sur notre motivation… Un succulent tacos et quelques heures de sommeil plus tard, nous découvrons une toute autre ville au lever du soleil. La terre est aride, les palmiers sont omniprésents et la ville se dresse au pied d’immenses montages. Une vision splendide s’empare de nous et il est grand temps de traverser les champs de centaines d’éoliennes en écoutant « No One Knows » de Queens of the stone age. Nous allons traverser désormais 3 déserts pour rejoindre Las Vegas avant la nuit.
Notre premier objectif de la journée est de trouver le panneau d’entrée de la Sky Valley, sans réel attrait touristique mais qui s’est vu immortalisé par le groupe Kyuss sur la pochette de l’album « Welcome to the Sky Valley », véritable déclencheur de la scène stoner rock californienne. En tant que fan de ces groupes, je ne peux pas manquer cela d’autant plus que, faute de temps, je dois avorter mon projet de me rendre au Rancho de la Luna, le célèbre studio qui a vu passer les plus grands groupes de Stoner (Fu Manchu, Queens of the stone age, Mark Lanegan, Brant Bjork, Kyuss, etc.). Quelques photos plus tard, nous traverserons un autre haut lieu du rock’n’roll californien : la Coachella Valley. Pas d’arrêt mais un petit pincement au cœur en se disant que dans moins d’un mois se tiendra l’un des festivals de rock les plus attendus et des plus démesurés au monde. Notre prochain arrêt est à la réserve nationale de Joshua Tree. Si la Sky Valley ne mesurait guère plus qu’une dizaine de kilomètres, Joshua Tree s’étend jusqu’à l’horizon et bien plus loin encore. Nous voici dans un paysage lunatique où la vie se fait rare. On peut y admirer des splendides champs de cactus et quelques arbres de Joshua entre les montagnes. Face à l’immensité de la réserve, nous commençons à prendre conscience de la beauté des paysages et nous nous arrêtons très régulièrement pour contempler les vastes plaines rocailleuses.
Las Vegas est encore loin. Nous accélérons le pas et nous poursuivons notre route en faisant un arrêt pour nous ravitailler à 29 Palms, sorte de ville fantôme en plein désert. La vie semble difficile et ennuyeuse ici. Le ravitaillement en essence et en nourriture est salvateur car la traversée de la réserve Mojave qui va suivre est probablement l’une des plus belles expérience que j’ai pu vivre. Coincée entre plusieurs terrains militaires où sont effectués des tests nucléaires et des bombardements « grandeur nature », nous allons prendre une route qui traverse le désert durant plusieurs centaines de kilomètres. Je n’ai jamais vu un ciel aussi bleu, presque turquoise face à l’absence de pollution. Il n’y a pas âme qui vive à des centaines de kilomètres à la ronde. Cela en devient presque angoissant, surtout quand la voiture en surchauffe ne veut plus démarrer. Pourtant face à l’immensité désertique des plaines et la force des montagnes qui longent la vallée, nous allons assister à un merveilleux spectacle du coucher de soleil sur les champs d’arbres de Joshua à perte de vue. Nous rencontrons par moment des mines de chlore que nous confondons avec des lacs de sel dans un premier temps, ainsi que des trains de fret de plusieurs kilomètres s’apprêtant à traverser les Etats Unis lourdement chargés de pétrole et autres matières premières. Nous ne croiserons qu’une ville fantôme avant Las Vegas : Amboy et sa station essence, le « Roy’s Cafe » posé là, au bord de l’ancienne et mythique Route 66.
Le ciel étoilé apparait sous nos yeux mais sera progressivement effacé à l’approche de Las Vegas que l’on distingue au loin sous ses lumières puissantes. L’arrivée par Las Vegas Boulevard est splendide, les spots lumineux de partout révèlent une ville excessive et surgit face à nous une tour Eiffel, Manhattan, une des pyramides de Gyzeh ou encore les canaux vénitiens. Epoustouflant et kitsch, splendide et ridicule, « Welcome Las Vegas ». Nevada aka beaufland. La nuit à Vegas sera de courte durée puisque nous partons découvrir notre quatrième désert californien durant deux jours. Welcome to the Death Valley.
Nous pensions avoir tout vu après la réserve Mojave et Joshua Tree. A quoi bon encore voir des cailloux, des cactus et des arbustes à perte de vue ? L’expérience fut époustouflante. La Death Valley est perdue entre les montagnes à la frontière entre le Nevada et la Californie. Nous traversons quelques villes fantômes avant d’atterrir en fin de matinée dans un village (Amargosa) composé d’un casino, d’une station essence, d’un bar de bikers et d’un bordel. Rien de moins, rien de plus. Si seul Kevin fréquentera le bordel, nous entrerons ensemble dans le bar de bikers (Le Satellite). Nous sommes accueillis dans l’indifférence alors que rugissent les voitures qui s’affrontent sur un circuit de Nascar à la TV. Les habitués se regroupent dans cette maison des horreurs, autour d’un billard. Nous allons vite prendre goût à l’ambiance du lieu, une fois nos bières apportées par un ex-ranger de la Death Valley, suivies d’un burger plus gras que gras. Une frayeur nous entoure lorsque le patron moustachu du bar nous invite à le suivre dans une seconde salle sombre. Heureusement, il allume la lumière en nous tendant un crayon : nous découvrons des centaines de messages et de dessins laissés sur les murs par les touristes de passage. Il y en a dans toutes les langues et nous passons une bonne dizaine de minutes à découvrir des « œuvres » où s’affrontent Batman, les Simpsons et autres personnages de la culture populaire. Nous écrirons quelques mots pour la postérité…
Cette expérience passée, nous entrons enfin dans le parc. En comparaison des précédents déserts, la Death Valley est impressionnante par sa géologie. Il y a très peu de végétation en revanche les montagnes et la diversités des roches est époustouflante. Le panorama sur la vallée depuis Zabriskie Point (où fut tourné le film du même nom) nous permet de découvrir les Badlands où les collines déchiquetées par l’érosion dévoilent des roches plus ou moins corrodées. Nous parcourrons plus tard, en direction du Golden Canyon, ces mêmes badlands alors que la lumière du soleil se fera plus rasante. Les couleurs plus ou moins ocres, parfois vertes des roches deviendront alors sublimes alors que le ciel au bleu parfait est parsemé de nuages. Je pense que ces paysages des Badlands au coucher du soleil resteront les plus belles images du séjour, même si moins émouvantes que la solitude ressentie dans la réserve Mojave. Cependant, nous verrons d’autres paysages splendides qui illustrent la diversité de la Death Valley : Badwaters et son lac salé situé à 86m sous le niveau de la mer, l’oasis de Furnace Creek avec ses palmiers et sa source d’eau chaude (utilisée pour la piscine), les dunes de sables où l’on peut voir les traces laissées par les serpents, Artist’s drive et son canyon très coloré ou encore le pic de Dante’s View qui culmine à plus de 3200m d’altitude surplombant la vallée. Il est impressionnant une nouvelle fois de passer de paysages désertiques où règne une chaleur supérieure à 25°C / 30°C à des hauts plateaux couverts de neige. Quelle aventure !
Après deux jours passés dans la Death Valley à explorer ces paysages de tous les extrêmes, nous retournons profiter d’un hôtel « luxueux » à Las Vegas. Nous jouons aux machines à sous, visitons les hotels qui sont de véritables musées et parcs d’attractions et nous profitons tout simplement du bon temps après plusieurs jours de route. Las Vegas est impressionnant par ses délires de milliardaires. En revanche, je ne m’y serai pas tellement amusé. En tous cas, je m’attendais à plus de folie mais je n’y ai vu que des représentants de l’Amérique profonde : les « fat asses » et les « rednecks » sont biens plus présents à Vegas que la jeunesse dynamique de la côte Ouest…
Le retour à San Francisco est apprécié. Je profite de mes deux derniers jours dans cette ville au complet contraste avec Vegas pour visiter d’autres quartiers et me promener dans les parcs. Je ne fais pas de grande découverte mais je me réserve pour profiter des soirées avec Kevin dans les bars. Je me souviendrai longtemps de cette soirée de départ, hier soir, complètement improbable car remplie d’étudiants du CELSA. J’avais presque un pied à Paris. Maintenant, le deuxième foule le sol de l’aéroport Roissy Charles De Gaulle.
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